INTRODUCTION
                   
                  Attention : Sur 
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                    correspondant au texte, en présentant le pointeur de 
                    la souris dessus. 
                  § 
                  On pourrait s'étonner de l'importance 
                    accordée au monde turc dans le présent travail 
                    : ce serait oublier que trois siècles durant, la plus 
                    grande partie du Maghreb fut colonie turque, et que ce phénomène 
                    colonial reste peu intelligible si on ne le replace dans la 
                    société qui l'a engendré.
                    Comme le remarque un historien (GRENARD - Grandeur et décadence 
                    de l'Asie Colin 1939.), « Si les convenances de notre 
                    enseignement public nous obligent à concentrer nos 
                    regards sur notre histoire particulière, nous ne jetons 
                    qu'un coup d'œil rapide sur le reste du monde sans marquer 
                    suffisamment les synchronismes qui permettent des comparaisons 
                    utiles. Aussi, nous rendons-nous mal compte des forces relatives 
                    qui s'exercent dans un même temps et nous ne réfléchissons 
                    pas assez qu'à côté des empires de Charles-Quint 
                    et de Louis XIV, régnaient en Asie des dominations 
                    plus vastes ».
                    On constate par exemple, qu'en plein XVIIème siècle, 
                    tel puissant monarque, particulièrement jaloux des 
                    prérogatives de son représentant auprès 
                    du Saint-Siège, devait souffrir que son ambassadeur 
                    à Constantinople fût emprisonné par ordre 
                    du « Grand Seigneur ».
                    Faut-il rappeler que Ferdinand, frère de Charles-Quint, 
                    Empereur d'Allemagne, roi de Bohême et de Hongrie, dut 
                    payer tribut au Sultan de Constantinople pour le morceau de 
                    Hongrie qu'il détenait ? Installés au cœur de 
                    l'Europe, à mi-chemin entre Constantinople et Paris, 
                    les Ottomans tinrent la Hongrie sous le joug durant Lui siècle 
                    et demi, et le flot de leurs armées vint par deux lois 
                    battre les murs de Vienne. L'Europe dut attendre jusqu'en 
                    1699, au Traité de Carlowitz, pour que le Sultan reconnût 
                    au souverain autrichien ce titre d'Empereur que Solman le 
                    Magnifique avait refusé à Charles-Quint.
                    Comment les Turcs, ces nomades venus des steppes de l'Asie 
                    Centrale où naquirent. Attila, Gengis Khan et Tamerlan, 
                    sont ils parvenus à fonder un vaste empire, héritier 
                    des Empires byzantin et arabe.
                    A la suite de quelles circonstances le, Ottomans sont-ils 
                    devenus, pour quelques siécles, les champions de l'Islam 
                    orthodoxe.
                    Pourquoi et comment le Maghreb fut-il entraîné 
                    dans l'orbite de l'Empire Ottoman ?
                    Ces questions intéressent autant l'Histoire de l'Europe 
                    que celle de l'Afrique chu Nord , c'est pourquoi il a paru 
                    intéressant de les évoquer en manière 
                    de préambule à l'Histoire de la Régence 
                    d'Alger.
                  §§
                  La période turque de l'Histoire du 
                    Maghreb Commença à la suite de l'action espagnole 
                    contre les principaux ports nord-africaine.
                    Les frères Barberousse, authentiques héros du 
                    monde musulman du XVIème siècle, furent alors 
                    appelés comme des sauveurs par les Maures d'Alger. 
                    Peut-être ne met-on pas assez en relief que le grand 
                    mérite d'un Kkaïr ed-Din fut bien cette transformation 
                    d'un repaire de corsaires en État organisé, 
                    celui de la Régence d'Alger.Les principaux rouages 
                    de cet État ne furent qu'une transplantation africaine 
                    d'institutions ottomanes séculaires : Divan, Beylerbey, 
                    Janissaires, etc. Ses principes politiques eux-mêmes 
                    s'identifient à ceux que les Turcs appliquaient dans 
                    le reste de leur Empire : indifférence à l'égard 
                    des populations, pourvu qu'elles paient l'impôt, laissent 
                    passer les troupes et ne se mêlent pas des affaires 
                    de l'État.
                    Une justice expéditive aux sentences redoutables, visait 
                    certes à punir les coupables, mais surtout à 
                    inspirer la terreur et le respect de l'État : l'Etat 
                    ottoman ne disposait évidemment pas des moyens de persuasion 
                    d'un État moderne.Pour la première fois depuis 
                    longtemps, le Maghreb joua un rôle dans le « concert 
                    européen » comme vassal de l'Empire Ottoman 
                    et allié de François 1er ; et les corsaires 
                    algériens tinrent comme un « second front contre 
                    l'Empire hispano-allemand harcelé en Europe centrale 
                    et en Méditerranée.A plus d'un titre, le XVIème 
                    siècle apparaît comme décisif.Quand il 
                    prend fin, les nombreuses principautés qui se partageaient 
                    le Maghreb ont disparu. les vieilles dynasties se sont effondrées. 
                    les Turc :s règnent de la frontière marocaine 
                    à Tunis. Le Maghreb est sorti de son Moyen Age, et 
                    les trois « entités politiques »actuelles 
                    commencent à se dessiner, cependant que sur le plan 
                    économique. social et technique, il demeure à 
                    peu près tel qu'il était depuis le XIIème 
                    nu le XIIIème siècle.Le XVIIème siècle 
                    appelé encore « l'age d'or de la course » 
                    est sans doute la période qui a le plus contribué 
                    à établir la fâcheuse réputation 
                    des Turcs d'Alger.Cependant, les Turcs ont-ils été 
                    les seuls corsaires et les seuls trafiquants d'esclaves de 
                    la fin du Moyen Age et des Temps Modernes ?On doit reconnaître 
                    que « les Raïs furent à l'Islam ce 
                    que les Chevaliers de Malte étaient à la Chrétienté 
                     ». La course, d'abord justifiée par des 
                    mobiles religieux devint rapidement une simple entreprise 
                    de brigandage ; et si les Raïs ramenaient leurs prises 
                    vers Alger, c'est vers Livourne que les Chevaliers expédiaient 
                    leurs captifs turcs. Ce trafic de chair humaine, particulièrement 
                    prospère au XVIIème siècle, se pratiquait 
                    donc à une échelle internationale, D'ailleurs, 
                    l'usage des galères posait à toutes les marines 
                    méditerranéennes des problèmes identiques 
                    ; il s'agissait en effet, de recruter et de renouveler sans 
                    cesse « le monde concentrationnaire » 
                    des chiourmes.Quant aux populations du Maghreb, à l'abri 
                    des incursions européennes derrière l'écran 
                    protecteur des corsaires, elles vécurent comme repliées 
                    sur elles-mêmes, tandis que sous l'égide de l'Islam 
                    se multiplièrent mosquées, medersas, zaouïas 
                    et confréries religieuses. On doit constater que l'influence 
                    des Turcs d'Alger sur les populations arabo-berbères 
                    a été en définitive insignifiante.Nous 
                    ne saurions cependant oublier qu'Alger leur doit son premier 
                    port, c'est-à-dire le commencement de sa prodigieuse 
                    carrière.En Tunisie, les Turcs se sont finalement fondus 
                    aux autochtones auxquels ils ont donné l'actuelle dynastie 
                    beylicale. 
                  §§§
                  L'Empire Ottoman a été disloqué 
                    au profit de l'Europe et des États arabes du Moyen 
                    Orient, sortis de son démembrement. Alors que le monde 
                    turc vivait dans la stagnation sociale et la sclérose 
                    des techniques, l'Europe, de l'Atlantique à l'Oural, 
                    n'avait cessé d'accroître sa puissance économique, 
                    militaire et maritime. Ce déséquilibre qui, 
                    au début du XIXème siècle, fit de Constantinople 
                    une colonie européenne, ne peut manquer de frapper 
                    l'esprit. S'il était nécessaire de rechercher 
                    une explication, il faudrait peut-être remonter vers 
                    « cette explosion de dynamisme intellectuel et moral 
                    désignée sous le nom impropre de Renaissance ». 
                    L'exemple des Humanistes exerçant leur esprit critique 
                    sur des textes, fut repris et renouvelé ; en marge 
                    de la pensée religieuse, prit naissance un nouveau 
                    courant de pensée, caractérisé par une 
                    laïcisation des connaissances humaines.Dès 1637, 
                    Galilée, Kepler, Descartes avaient ouvert la voie à 
                    cet effort continu vers t'étude de du monde basée 
                    sur l'observation exacte des faits.Les forces nouvelles ainsi 
                    libérées devaient donner à l'Europe une 
                    incontestable avance dans le domaine du progrès, et 
                    de nouveaux moyens d'expansion. 
                  A. BENSIMON. Instituteur à Alger 
                    en 1950.