es
habitations d’Alger sont parfaitement appropriées
au climat et aux besoins des Orientaux ; notre civilisation
plus exigeante a cru devoir importer les productions d’un
goût nouveau parmi les décorations naturelles au
pays, et les constructions récentes forment un contraste
frappant avec les monuments moresques. On ne peut se dispenser
d’avouer que le résultat de la comparaison n’est
pas de nature à satisfaire l’amour-propre de nos
compatriotes. Les quartiers nouvellement bâtis, d’ailleurs
somptueux et bien aérés, ont cette uniformité
désespérante qui rend les villes modernes d’Europe
si ennuyeuses par leur fatigante monotonie.
Alger
a peu de monuments. La principale mosquée, ainsi que
nous l’avons dit, mérite seule l’attention.
C’est un superbe édifice. On suit pour y pénétrer
plusieurs passages qui aboutissent à une grande porte
à deux battants, et on entre dans une cour en parallélogramme,
autour de laquelle règne un double rang de colonnes.
Dans un des angles de cette cour, une petite cour séparée
renferme une fontaine destinée aux ablutions, et qui
st ombragée par de magnifiques saules pleureurs.
A la grande porte, on passe des babouches sur la botte profane
des Européens, pour qu’elle n’apporte rien
d’impur dans le lieu saint. C’est là que
se déchaussent les croyants, qui n’entrent jamais
dans la mosquée qu’à pieds nus ; et ce renversement
de l’usage établi, que notre costume rend indispensable,
aboutit au même but.
Le muphti place, en signe de respect, un châle rouge
sur son immense turban blanc, et accompagne le prince dans la
visite de la mosquée.
C’est
l’heure consacrée à l’instruction
religieuse. Quelques vieux ulémas, assis sur des tapis
et adossés à la muraille, président aux
exercices d’une vingtaine d’enfants qui psalmodient
l’Alcoran d’une voix claire et argentine ; à
chaque verset, chaque vieillard incline doucement la tête
en signe d’approbation, et les versets se succèdent
sans fin dans leur mélopée monotone.
On aperçoit çà et là des musulmans
en prière, couchés sur la face art pied des colonnes.
D’autres qui ne sont qu’agenouillés, balancent
gravement la partie supérieure de tour corps, jusqu’à
ce que leur tête ait touché la terre neuf fois
de suite.
Un grand tapis manque à la décoration intérieure
de l’édifice. Le prince le promet au muphti, et
sa promesse a été accomplie.
Toutes
les colonnes de cette cour claustrale sont éblouissantes
de blancheur ; le pavé est partout couvert de riches
tapis ou d’une natte en paille jaune foncé, liée
avec des rubans rouges et verts ; la chaire où parle
le muphti est peinte en rouge et vert. On est frappé
en entrant de la fraîcheur de cet édifice, de son
excessive propreté, de la recherche qui a présidé
aux moindres détails de sa construction, et du calme
religieux qu’il inspire. Un balcon élégant
qui s’ouvre sur la mer laisse apercevoir ces riants coteaux
de Mustapha, dont un grand homme a immortalisé le souvenir.
Cette mosquée est maintenant pressée de tous
côtés par les constructions nouvelles ; elle forme
une des faces de la place du gouvernement, point central de
la ville basse autour duquel s’exerce l’industrie
des colons.

|