ES sources sont très nombreuses sur le versant des montagnes et au milieu des collines qui accidentent le territoire algérien : les unes se précipitent avec fracas de rocher en rocher; les autres roulent lentement leurs eaux dans la plaine. Du mois de novembre au mois de mai, les torrents et les rivières, enflés par les pluies, grossissent rapidement, souvent même ils débordent; mais insensiblement, quand viennent les grandes chaleurs, ils diminuent, et bientôt dans leurs lits il ne reste plus qu’une grève à peine humectée par un imperceptible courant. Soit que l’Atlas se trouve trop rapproché de la mer, soit que ses versants aient été déboisés, soit que les rayons du soleil dessèchent trop rapidement la terre, toujours est-il qu’il n’y a dans l’Algérie aucun cours d’eau suffisant pour entretenir un système régulier de navigation intérieure; ils peuvent tout au plus subvenir aux besoins de l’irrigation agricole.

De tous les cours d’eau du territoire d’Alger, proprement dit, un seul, l’Oued-el-Kerma, a son origine dans le massif qui entoure cette ville. L’Harrach, la Chiffa, l’Oued-Boufarik, l’Oued-Jer et l’Hamise prennent leur source dans les montagnes du Petit-Atlas. L’Harrach, malgré le peu de largeur de son lit, est un des cours d’eau les plus importants de cette portion de l’Algérie; il coule, en serpentant, dans la belle plaine de Mitidja, et ne devient profond qu’au moment des grandes pluies. Pendant les autres époques de l’année, on le traverse à gué presque partout. La Chiffa sillonne aussi la plaine de Mitidja. Cette rivière reçoit successivement l’Oued-el-Kebir et l’Oued-Jer; elle prend alors le nom de Mazafran, et se dirige vers le nord-ouest où elle se réunit encore à l’Oued-Boufarik; puis elle contourne le massif d’Alger, perce les collines du Sahel, et se jette dans la mer à deux lieues de Sidi-Ferroudj. Le cours du Mazafran est assez rapide; mais quoiqu’en certains endroits son lit présente 400 mètres de large, et ses berges 40 mètres de hauteur, ses eaux sont peu profondes.

Les principales rivières de la province d’Oran sont l’Oued-el-Maylah, nommé aussi Rio-Salado, l’Habrah, l’Oued-Hammam, la Tafna et le Chélif ; la plupart de ces cours d’eau descendent des gorges de l’Atlas. La Tafna, qui a donné son nom au traité conclu entre le général Bugeaud et Abd-El-Kader, est une des grandes rivières de la province d’Oran. Après un cours d’environ 30 lieues pendant lequel elle est grossie par la Sickack et plusieurs autres affluents, elle se jette dans la mer, à l’extrémité orientale du golfe de Harchgoun L’Oued-el-Maylah, la rivière salée, le Salsum flumen des Romains, dont le cours a été peu exploré, justifie son nom par la qualité de ses eaux, et se jette à la mer non loin du cap Figalo; l’Habrah, réunie à l’Oued-el-hammam et à la Sig, forme près d’Arzew une espèce de marais qui se décharge dans la mer. Au delà, vers l’est, coule le Cheliff, le fleuve le plus remarquable de toute l’Algérie par le volume de ses eaux et la longueur de son cours. Il prend sa source dans le Sahara, au sud de la province de Titterie, traverse le lac Dya, décrit une ligne de 80 à 100 lieues, de l’est à l’ouest, sans jamais être obstrué par les sables, et vient se jeter dans la Méditerranée à six milles au-dessous de Mostaganem. La vallée qu’il parcourt est aujourd’hui la plus belle partie des provinces de Titterie et d’Oran. Les autres cours d’eau de cette province ne sont que des ruisseaux sans importance, qui se jettent dans la Sebkha (lac salé d’Oran), ou se perdent dans les sables.

De nombreux cours d’eau sillonnent aussi la province de Constantine; les plus remarquables sont: la Soummam, l’Oued-el-Kebir, l’Oued-Zefzag, la Seybouse, l’Oued-Boujimah et le Maffragg. La Soummam, appelée aussi Oued-Adouze et Nazabah, coule du sud-ouest au nord-est. On la trace ordinairement comme prenant sa source dans la province de Titterie, traversant la chaîne du Jurjura, et se terminant à la mer, dans le golfe de Bougie, au-dessous du cap Carbon. De ce point, en nous avançant vers l’est, nous rencontrons l’Oued-el-Kebir (le grand fleuve), le cours d’eau le plus important de cette province. Il prend sa source dans la chaîne du Grand-Atlas, à plus de cinq journées de marche de Constantine. L’Oued-el-Kebir, appelé aussi Oued-Rummel dans la partie supérieure de son cours, coule du nord au sud sur un plateau élevé, perce plusieurs contreforts du Petit-Atlas, tourne autour des murs de Constantine, et déverse ses eaux dans la mer entre Djidjelli et le cap Boujarone. Après avoir franchi l’Oued-Zhoure et l’Oued-Zeamah, nous nous trouvons sur les rives du Zefzaf, qui prend sa source sur le versant nord-est du Djebel-el-Ouache, et se rend, par un cours d’environ douze lieues, dans le golfe de Stora auprès de Skikida. En s’avançant encore vers l’est, on rencontre la Seybouse, dont le cours accidenté embrasse une étendue de 40 lieues; formée par la réunion de l’Oued-Zenati et de l’Oued-Alligah, ses eaux sont très profondes dans la vaste pleine qu’elle parcourt, et à son embouchure dans le golfe de Bône, elle reçoit les petits navires de cabotage; les sandales peuvent même remonter son cours, jusqu’à une assez grande distance de la mer.

Le versant méridional de l’Atlas algérien, généralement plus aride que le versant du nord, et offrant aux eaux beaucoup moins d’ouvertures, produit cependant deux fleuves considérables : le Medjerdah (le Bagrada des Romains), qui appartient à la régence de Tunis plutôt qu’à l’Algérie; et l’Oued-el-Gedy, (rivière du Chevreau), qui, courant à l’est, allait autrefois, sous le nom de Triton, se jeter dans le golfe de la petite Syrte (golfe de Cabès); il se perd aujourd’hui dans le lac de Melgig à l’extrémité méridionale de la province de Constantine.

Il existe sur le territoire algérien plusieurs lacs ou marais, dont la constitution n’est pas sans intérêt: la plupart sont salés ou saumâtres; ils s’emplissent durant la saison des pluies, et se dessèchent en été. Au sud de Constantine on trouve le Chott, vaste marais fangeux, où croupissent des eaux saumâtres pendant les saisons pluvieuses. La Sebkha d’Oran est une énorme masse d’eau qui a 2 000 mètres de large, et qu’on voit s’étendre, du côté de l’ouest, à perte de vue, comme un bras de mer. Cependant, l’évaporation est si active pendant les chaleurs de l’été, qu’au mois de juillet les chevaux et les chameaux des Arabes passent d’une rive à l’autre presque à pied sec. Dans la plaine de la Mitidja, aux environs d’Alger, à Bône, à Arzew, il existe plusieurs lacs de cette espèce, moins importants, il est vrai, mais soumis aux mêmes lois. La qualité saline de ces lacs se reproduit dans un nombre très considérable de sources, au point que, suivant la remarque de Desfontaines, les eaux salées seraient beaucoup plus abondantes en Algérie que les eaux douces; aussi, le nom Oued-el-Maleh (ruisseau de sel) se reproduit-il fréquemment dans la nomenclature topographique des Arabes. Les eaux thermales n’y sont pas moins répandues: plusieurs de ces sources ne sont que tièdes, à la vérité, mais il en est qui s’élèvent à une haute température, comme celles de Hammam-Meskoutyn et de Hammam-Merigâh qui atteignent 76° Réaumur.

Cette abondance d’eaux salines et minérales, qui annonce une formation volcanique intérieure, ne doit pas cependant faire conclure que le territoire d’Alger soit dépourvu d’eaux douces et fraîches. Il suffit, pour en trouver, de creuser à très peu de profondeur ; souvent même on l’obtient jaillissante comme dans nos puits artésiens. Les Erouagâh, tribus qui occupent l’extrémité méridionale de la régence, pratiquent avec succès, depuis un temps immémorial, le procédé du forage, dans le but de procurer, disent-ils, une issue à l’eau douce du Bahr-that-el-Erdh. (de la mer souterraine), et ils réussissent presque toujours. On rencontre ordinairement l’eau douce à quatre ou cinq mètres de profondeur, mais jamais les sondages ne dépassent quatre-vingt mètres.